J'ai l'honneur de ne pas te demander ta main
A l'appel d'Orpheus (http://orpheusonline.com/blog2/10-rainbow/48-appel-a-contributions) et avec un peu de retard, je le reconnais, je voudrais apporter mon petit galet à l'édifice.
Ce n'est que mon avis personnel, et si vous, lecteur, n'êtes pas d'accord, je saurai dire: "Vous proférez Monsieur, des sottises énormes, mais jusques à la mort je me battrai pour qu'on vous les laissât tenir, attendez-moi sous l'orme..."(Brassens).
Le titre de ce billet un peu provocateur (en hommage à Georges Brassens) pourra sembler à courte vue ne pas aller dans le sens de l'égalité des droits. Que nenni!
Pour moi, l'ouverture de droits au mariage (civil) pour les LGBT représente beaucoup, je dirais presque 30 ans d'attente, depuis mes premiers émois (et chagrins) amoureux, amours qui étaient à taire et que la mort a mis parfois à terre.
Je suis comme on dit dans le jargon gay parisien quelqu'un de "périmé" depuis plus de 20 ans, je n'ai plus beaucoup de chance de rencontrer l'amour d'un claquement de regards en sortant dans le Marais ou d'un clic de souris sur un site de rencontres comme certains voudront m'en persuader pour faire dans le "psychologiquement correct".
Heureusement mon caractère solitaire (écouter à ce sujet "Le grand chêne" de Brassens: http://youtu.be/x8Lz4PYofA8) m'a heureusement préservé de bien des déprimes courantes. Je vis très bien seul et pense également que la vie de couple est en général une façon de résoudre à deux des problèmes qu'on n'a pas tout seul.
Alors pourquoi ne pas tout simplement fermer ma grande gueule, me diront en choeur les anti-mariage et les pro-mariage?
Tout simplement parce qu'il m'est arrivé, et qu'il m'arrive encore, malgré mon caractère de solitaire d'avoir des amis très proches, avec qui j'ai vécu de très belles choses. Dans ces années-là, on n'avait que le choix de taire a priori son amour vis à vis de la société, quitte à l'assumer lorsqu'un coin du voile était levé, au prix d'une rupture avec ce que la société appelle "famille" ou de soi-disant amis qui se détournent, souvent sur la pointe des pieds d'ailleurs... Quant à parler de vie de couple voire de pax ou de mariage, j'ai eu parfois envie de dire à un homme "établissons-nous ensemble", et j'ai même fait avec certains un (bon) bout de chemin, mais il ne me semblait pas envisageable ni même utile de "graver nos noms au bas d'un parchemin"...
Le PACS a soulevé beaucoup d'espoirs mais la tiédeur avec laquelle il a été voté (les députés de la majorité de l'époque étaient aux abonnés absents lors de la première présentation du texte) m'a un peu déçu. Ce contrat civil n'est me semble-il toujours pas très bien passé dans la société et bien des couples pacsés n'acquièrent les mêmes droits, en matière de prestations financières, que les couples mariés, qu'après un délai de carence de 2 à 3 ans. Inutile en plus de dire la facilité technique pour un RH ou un décideur sournoisement homophobe de discriminer un couple pacsé (peut-être homo) d'un couple marié (forcément hétéro à la date de rédaction de ce billet).
La droite et les religieux de toutes obédiences, appuyés implicitement par certaines personnalités tièdes de gauche, qui n'ont pas le courage de s'élever contre la tradition religieuse dans laquelle ils baignent plus ou moins, cherchent à peser de tout leur poids pour lutter contre le mariage pour tous, confirmant par là que certaines de mes opinions à leur sujet n'étaient pas si exagérées que cela.
Étant athée, j'aurais souhaité qu'on laisse de côté les considérations religieuses qui transpirent dans tous les débats, les rendant ainsi nauséabonds parfois. Il s'agit de droits civils et laïcs, et les religions de tous acabits (que je respecte cependant tant qu'ils ne cherchent pas à me convertir) ont fait et font encore me semble-t-il de par le monde assez de dégâts sur le genre humain pour avoir la décence de la mettre un peu en veilleuse à l'abri de leurs temples, mosquées ou églises.
Je veux croire cependant que cette loi dite du "mariage pour tous" passera en France comme elle est passée dans d'autres pays, et surtout que la société dans son ensemble montrera qu'elle est beaucoup moins "réac" que ceux qui prétendent parler en son nom, que ce soit politiquement ou religieusement.
Je veux tout simplement pouvoir dire à un homme "j'ai l'honneur de ne pas te demander ta main, laissons le champ libre à l'oiseau, nous serons tous deux prisonniers sur parole" et ne plus être obligé de lui dire, "de toute façon on ne peut pas se marier, alors..."
Et le jour où cette loi sera passée, peut-être serai-je en de meilleures dispositions pour repartir, sans oublier ceux qui l'auront précédé, à la recherche du nouveau "félin de mon coeur", auquel je pourrai faire ce qui pour moi est le plus beau des compliments, lui dire que je suis aussi bien avec lui que si j'étais seul.
Oh le joli texte que voilà.
Oh le joli texte que voilà. Tu me donnes là une raison supplémentaire de réclamer cette loi : Que tu te sentes dans de meilleures dispositions pour repartir à la recherche d'un nouveau félin.
Merci
Yann (aka Orpheus)